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Amour d'enfance

Racontez vos plus belles émotions en compagnie des Canaris

Amour d'enfance

Messagede lukevictor » 08 Jan 2014, 05:53

J'avais 6 ou 7 ans.
Cela fait plus de 30 ans
J'ai maintenant l'âge où les gardiens envisagent leur fin de carrière.
Et j'ai toujours été fidèle au FC Nantes.

Fidèle par passion. Par coup de coeur. Sans calcul. Cela ne se quantifie pas d'aimer un club, cela ne se mesure pas. C'est une passion naïve, qui échappe à tout sentiment terre à terre. Ca ne se décrie pas en mot d'adulte, ça se montre en gestes d'enfant, les bras ouverts le plus loin possible. Moi j'aime comme ça. Jusqu'à ce que mes bras se rejoignent derrière, à l'infini. Le coeur gros, gonflé comme un ballon, à battre des victoires, des défaites, des échecs et des espoirs.

Cela fait pour moi un peu plus de 30 saisons. Trente ans. Un âge où on devient un mari, un père. Un âge où j'ai gardé cette passion d'enfance. Quand j'étais jeune et vert, mon coeur battait jaune et vert. Maintenant que je suis grand, à l'âge où les gardiens envisagent leur "petite mort", j'ai gardé mes couleurs, intenses et vives, jamais ternies.

Et pour voir à quel point mes couleurs étaient belles, j'ai compté. J'ai 37 ans et je supporte le club depuis 1983. Cela fait plus ou moins 30 saisons de 38 matchs (en moyenne), auxquelles s'ajoutent entre 4 et 10 matchs de coupes (de la Ligue, de France, d'Europe) par saison. Cela veut dire que j'ai aimé et supporter le FC Nantes entre 1400 et 1500 matchs. Trente ans, 1500 matchs. Tous ces matchs, je ne les aurais pas vécu avec la même ferveur. Je ne me souviens pas de moi gamin, à 7 ans, en pyjama le samedi soir, excité tel Zébulon, l'oreille collée au transistor de mon père. Non, c'est venu plus tard, quand l'enfance se tarie, à l'adolescence. Quand le corps s'étend et que l'esprit se renferme. Dans ma timidité, il n'y avait que 2 phares. Les matchs de rugby à Valence dans la Drôme, avec mes potes et le Multiplex du samedi soir à la radio. A l'ovale, je jouais 3/4 aile mais je vivais mes matchs de rugby comme un avant centre. J'étais en bout de ligne, à la fin de la chaine. Et j'adorais voir mes coéquipiers faire du beau jeu puis sentir l'ouverture, m'élancer et être là, pour terminer le travail, en finisseur. J'étais ado, je voulais être le buteur du FC Nantes, je n'étais que le 3/4 aile gauche des cadets d'un club de rugby.

Et puis il y avait le Multiplex ou le "MultiFoot", celui de France Inter ou d'Europe1. La voilà ma récompense de la semaine. Le weekend, c'était le multiplex du samedi soir à la radio, la journée de championnat. Le générique de John Miles, Jacques Vendroux ou Eugène Saccomano. Ecouter avec fièvre les conte-rendus quand soudain… "But à la Beaujoire!". C'était des samedi soir enfermé dans ma chambre, avec pour unique compagnie les voix des correspondants. Elles me donnaient des images que je reproduisais avec mon BigJim. Mon jouet s'animait en gardien ou en avant-centre, soignait sa dernière passe sur la moquette couleur pelouse qui me brulait les genoux. Les mots de la radio prenaient vie parce que par passion, dans ma petite chambre à Valence, le match se rejouait. La balle de pingpong était un ballon "tango" qui volait, direction la lucarne. Ca "bicycléttait" à la folie, ça plongeait comme à la parade, ça marquait dans toutes les positions mais il fallait que ce soit Nantes qui gagne. Vers 22h, les oreilles incandescentes d'excitation, le sourire large ou le regard noir au fil de ce que le multiplex m'avait donné à vivre, je revenais au réel. La réalité du sport et la sècheresse du résultat. De Valence, de ma petite chambre, j'avais joué sur tous les stades, vaincu pour le FC Nantes, perdu avec le FC Nantes. Depuis, j'ai gardé ça. Comme je vis à l'étranger, je n'ai pas les chaines françaises et je suis les rencontres de mon club sur internet. Discrètement, je m'isole 2 minutes et je regarde les alertes de mon smartphone. Je vibre comme quand j'avais 10 ans.

A Valence, le FC Nantes se supporte en solitaire. Le valentinois ne vit que pour les équipes qui gagnent: l'OM du début des 90's, le PSG 94-95, St Etienne par sympathie de voisinage et l'OL parce qu'il gagne. Mais qui à Valence, voudrait supporter le FC Nantes? Je devais bien être le seul. Cette singularité, je l'ai défendu pendant toutes ces années. Combien de fois, les supporters de l'OM ou du PSG ont paradé devant moi, vénérant les Papin, les Waddle, les Boksic, les Boli, Ginola, Valdo ou Weah. Moi, je leur répondait Mo Johnston, Vercauteren, Burruchaga. Et puis, en 95, l'année de grâce. Une équipe qui ne perd plus, qui en colle 3 par match à qui-n'en-veut et qui marche sur l'eau. Les canaris jonglent avec la balle sur la tête de la défense du PSG, le cuir devient ballon de baudruche, le foot est spectacle, le jeu est beau. Euphorie communicative, cette année là, je passe mon bac de justesse, pas très "jeu à la nantaise" tout ça mais pour le coup, c'était une finale. Et une finale, le FC Nantes l'a longtemps oublié, mais ça se gagne.

J'ai emporté le Fc Nantes partout où je suis allé. A 16 ans, au fin fond du Minnesota, pendant 7 mois, mes parents m'envoyaient France Football (saison 92-93), je déchirais l'enveloppe et bien avant de lire les nouvelles familiales, je regardais les résultats de Nantes. A 24 ans, je suis parti travailler en Angleterre (saison 99-2000), internet était un peu plus présent mais quand Nantes s'est retrouvé en finale de la Coupe de France, j'étais en sur la côte ouest de l'Irlande. Les britanniques ne se sont jamais intéressés au foot français mais cette année là, l'un des finalistes, c'était une ville qu'ils savaient situer sur la carte, Calais. Leur première vue de la France, celle qui leur tombait sous les yeux au sortir du ferry, quand les tatoués débarquent les sacs plein d'alcool et de cigarettes duty-free. Ils connaissaient Calais, pour beaucoup c'était toute la France, alors ils supportaient les nordistes. Le résultat de la finale fut écrit dans la presse où je sentais bien que l'on poussait pour le "Petit Poucet". Ce dimanche, lendemain de finale, les yeux bouffis et la bouche pâteuse, j'ai découvert avec bonheur que Nantes avait gagné la Coupe. La meilleure cure de gueule de bois qui soit… ce qui s'est passé ensuite est toujours flou. C'est un de mes seuls souvenirs d'Irlande.
Des années plus tard, je vivais à Séoul en Corée du sud. Le FC Nantes avait connu les affres de la relégation et la joie, un an après, de la remontée. Las, l'équipe n'est pas à la hauteur. Son avant-centre Klasnic (que j'aimais bien) n'a toujours pas marqué quand l'ogre lyonnais se pointe à la Beaujoire. J'ai pensé au match toute la journée et la nuit venue, je n'arrive pas à dormir. Je me revois encore suivre le match via le "direct" de L'Equipe.fr. Et réaliser, mort de fatigue (décalage horaire) au bout de la nuit que Klasnic a marqué… 2 fois. Seul dans le noir, je criais en silence ma victoire, les poings serrés, sourire hilare. Dans l'obscurité, j'étais revenu dans le temps, comme quand enfant, je rejouais dans ma chambre les actions de mes champions.
Ce fut la même joie que j'ai ressenti quand Nantes est remonté la saison dernière. Au coup de sifflet final du match contre Sedan je suis allée courir comme un fou dans le jardin, les bras ouverts pour emplir mes poumons de cet air victorieux. Moment que je sais fragile, un promu n'est jamais à l'abri d'une relégation.

Je n'ai vu joué Nantes "en live" que 2 fois. Parce qu'un jour, le hasard a joué pour moi. La Coupe de la Ligue annonçait une affiche pour tout le monde banale mais pour moi magique: Nantes-Valence (saison 96-97). J'étais étudiant à Grenoble. Un étudiant qui faisait dans le beau (je faisais du théâtre et j'écrivais de la poésie bordel!) mais pas dans l'efficacité universitaire. J'ai compté mes sous, emprunté à ma mère et j'ai pris le train. Traversé la France et découvert Nantes. Mes 2 équipes se donnaient en spectacle, c'était exceptionnel et je devais être là. Nantes n'était plus une page coincé entre Nancy (l'ASNL) et le PSG. C'était une vraie ville. Une très belle ville. Je me souviens avoir vu le match avec de jeunes supporters canaris qui m'ont filé une de leur invit'. Le nantais est sympa, ça ne s'oublie pas. Mais ce soir là, j'ai manqué à ma fidélité envers le club, j'ai crié pour Valence. Quand les bleus de la Drôme ont ouvert le score (Gilles Leclerc sur coup-franc) j'ai poussé un cri de furieux. Et puis, je l'ai étouffé. La main sur la bouche pour m'empêcher d'encourager plus. Comme si je venais de réaliser la portée de mon geste. Ce cri était parti seul dans le ciel de la Beaujoire. Pour ma première à Nantes, j'étais seul contre tous, et pour la première fois contre les jaunes. Inconsciemment. Au final, les canaris ont gagné 2-1 avec un Gourvennec brillant. Je me souviens être sorti du stade un peu choqué par ma réaction mais soulagé que le FCN se soit qualifié. Quelques années plus tard, c'est en Coupe de France que les 2 équipes se sont affrontées mais à Valence cette fois. Les Drômois jouaient en National et ont égalisé à la dernière minute du temps règlementaire, la tête de Fabra lobant Landreau. C'est aux tirs aux but que les nantais sont passés. C'était la deuxième fois que je voyais mon club chéri et cette fois, dans la "folie" du stade Pompidou, j'étais partagé. Je m'en serai voulu si Valence était passé.

On ne se refait pas, mais je pense que supporter le FC Nantes c'est pour moi une aventure que je vis "seul contre tous". C'est une singularité que j'ai cultivé depuis mon enfance. J'étais le seul dans ma famille à aimer le foot, au point que tous mes sujets de conversation étaient foot-orientés. De tous mes amis, j'étais le seul à aimer Nantes, loin des effets de mode ou des success story. Et aujourd'hui, au Maroc, où je vis, je suis l'actualité du club avec assiduité. Seul. Cela fait 30 ans que je vois la Beaujoire pleine à la télé, et c'est comme si le club n'appartenait qu'à moi. Un jour, en discutant avec un collègue, il m'a avoué à demi-mot qu'il supportait le FC Nantes. C'était comme trouver une preuve de vie sur une île que l'on croit déserte. Réaliser que quelqu'un partage ce que vous ressentez. C'est un sentiment génial.

Cela fait maintenant un petit moment que je participe à ce forum et je m'ouvre aux autres supporters. Maintenant j'annonce à tout le monde que "j'aime le FC Nantes"! C'est pas que j'en avais honte, mais c'est une sorte de coming out culturel. Aujourd'hui, mon fils de 8 ans (qui adoooore le foot) suis les résultats de Lucas, Filip et Fernando. Je sens bien qu'il le fait plus par empathie filiale mais j'assume.

Je m'appelle "lukevictor"
J'aime le FC Nantes et j'en suis fier.
Modifié en dernier par lukevictor le 10 Jan 2014, 00:20, modifié 1 fois.
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Re: Amour d'enfance

Messagede COCOach » 08 Jan 2014, 13:25

Comme peut-on t'avoir décerné la palme de "pessimiste 2013" ? :box:

En lisant ton "spitch", je ne peux qu'avouer me reconnaitre dans certaines de tes phrases ?
Les multiplex radio sur Europe 1 étaient également pour moi le début de mes amours avec le club Nantais.
Il m'arrivait même de les enregistrer si je n'avais pas l'occasion de les écouter en direct.
C'est donc à une heure non raisonnable pour un petit garçon que j'écoutais sous les couvertures, la rediffusion du multiplex. Walkman, torche, papier et crayon en main, j'allais même jusqu'à écrire l'évolution des scores de l'ensemble des matchs. Bien sur, c'était surtout le résultat du FC Nantes qui m'intéressait.

En tout cas, bravo lukevictor. C'est toujours aussi agréable à te lire.
On a ainsi une vision de ta passion Jaune et Verte tout au long de ta vie.

:ech:
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Re: Amour d'enfance

Messagede zaka » 08 Jan 2014, 19:02

:box: le pavé
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Re: Amour d'enfance

Messagede COCOach » 08 Jan 2014, 20:23

zaka a écrit::box: le pavé

Peut-être, mais très intéressant à lire :gén:
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Re: Amour d'enfance

Messagede FCN49 » 08 Jan 2014, 22:30

Quel récit... magnifique ! Une vraie passion, "seul contre tous" comme si bien expliquée. On retrouve plusieurs anecdotes que plusieurs d'entre nous ont dû vivre, je pense aux multiplex du samedi soir à la radio, et aux montées d'adrénaline en "s'isolant 2 minutes" comme tu le dis, pour suivre le score.

Même si une vingtaine d'années nous sépare, j'arrive à me retrouver dans ton expression, dans notre passion commune. Dommage que tu ne puisses te rendre plus souvent à la Beaujoire car il y a besoin de supporters comme toi. Toutefois que ce doit être beau de vivre cette merveilleuse aventure à travers le monde, mais toujours relié avec le FCN.

En tout cas merci beaucoup d'avoir pris du temps pour ce petit moment sympa :)

:ech:
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Re: Amour d'enfance

Messagede Invictus Adama » 09 Jan 2014, 10:21

Bravo ! Juste énorme ! :respect:
Un beau pavé très intéressant à lire et une manière de supporter bien différente de la plupart !
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